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Chroniques
récital du claveciniste Justin Taylor
œuvres de Bach, Couperin et Forqueray
Attentif à la nouvelle génération, en particulier lors de ses rendez-vous du jeudi midi, l'Auditorium du Louvre inaugure sa saison de manière emblématique en invitant l'un des jeunes prodiges du clavecin. Après avoir étudié avec Olivier Beaumont et Blandine Rannou, Justin Taylor fut lauréat du concours de Bruges l'an dernier. En un peu moins d'une heure – le format réglementaire de ces rendez-vous de la mi-journée est désormais installé dans le paysage musical parisien dont il rafraîchit les codes –, le programme proposé est construit autour des Forqueray, père et fils, auxquels est d'ailleurs consacré le premier disque solo de l'interprète, paru chez Alpha.
Plutôt que monographique, le récital resitue succinctement dans son contexte contemporain, sinon européen, cette famille de virtuoses tenue par une redoutable rivalité – le géniteur ayant été jusqu'à faire embastiller son adolescent dont le talent commençait à lui faire de l'ombre.
C'est ainsi que l'on entend deux toccatas de Bach, la BWV 914 en mi mineur et la BWV 912 en ré majeur, où s'épanouit le jeu lumineux du soliste, exaltant avec une remarquable clarté la densité contrapuntique de ces pages, sans jamais céder à quelque docte froideur. Si le sens de la caractérisation y affleure déjà, il se révèle encore plus évident dans les sources françaises que le Cantor de Leipzig a pu étudier. Après le Prélude n°8, tiré de L'Art de toucher le clavecin, c'est du même François Couperin que l'on goûte trois extraits du Dix-septième Ordre en mi mineur. La Superbe ou La Forqueray rend un hommage empreint de noblesse à la figure du disque inspirateur, tandis que la Courante et, plus encore, Les petits Moulins à vent, fourmillent d'une digitalité gourmande.
Le spicilège se referme sur la Cinquième Suite en do mineur de Jean-Baptiste Forqueray, admirable galerie de caractères. La Rameau, inaugurale, prend l'allure attendue d'une ouverture grave. La Guignon exprime une fougue maîtrisée, au delà du calcul, avant la tendresse de La Léon, Sarabande qui anticipe le tableau pastoral offert par La Sylva, après La Boisson et l'horlogère Montigni. Quant au Jupiter final, il place littéralement l'auditeur sur orbite, entre la majesté du souverain des dieux et sa vigueur impétueuse condensée en des motifs entêtants et généreux, bis idéal pour remercier le public, prolongé par un prélude de Couperin auquel Justin Taylor tient beaucoup. Assurément, celui-ci vient de laisser une appréciable carte de visite et l'on ne manquera pas de suivre une figure montante du clavier – qui, élève également de Roger Muraro, ne méprise point le piano.
GC